4.1.2 La résolution variable

Pour éviter les problèmes de conditions aux limites latérales posés par l'utilisation de modèles emboités, la solution est d'utiliser un seul modèle global à maille variable avec une résolution assez fine sur la zone d'intérêt pour y représenter les phénomènes de méso-échelle, nettement moins fine en dehors de cette zone, tout en restant suffisante pour y représenter les ondes synoptiques. Cette solution, séduisante par son apparente simplicité, présente cependant un inconvénient : les interactions locales cessent d'être isotropes, les échelles spatiales mises en jeu dans les dérivées ne sont plus en effet les mêmes d'une direction à l'autre. Cette non-isotropie peut se traduire par l'apparition de circulations fictives causées par la réflexion et la réfraction des ondes à la transition entre deux zones de résolutions différentes. Afin de minimiser ces inconvénients, Schmidt ( 1977 ) a imaginé d'effectuer une transformation conforme, de la sphère terrestre vers une sphère de calcul où la zone d'intérêt serait dilatée et de discrétiser ensuite les équations sur la sphère transformée. Le fait de choisir une transformation conforme assure l'isotropie des interactions locales.

On se reportera avec intérêt au rapport de stage de DEA ( dont le paragraphe précédent est extrait ) effectué par Catherine Freydier, où elle y étudie l'impact de la maille variable sur l'instabilité barocline, et en particulier sur la reconstitution des structures de méso-échelle. Elle conclut :

" Le travail effectué dans ce rapport montre que METEO FRANCE a eu raison d'engager ce pari : les expériences avec maille variable simulant le développement d'une onde barocline idéalisée donnent en effet des champs, qui non seulement ne font apparaître aucune circulation fictive, mais aussi font correctement apparaître les structures de méso-échelle dans les zones de forte résolution".

La résolution variable est obtenue en deux étapes : un basculement puis une transformation conforme.

4.1.2.1 Le basculement

On effectue une rotation sur la sphère qui amène le pôle des coordonnées sphériques en un point I appelé pôle d'étirement ou d'intérêt. C'est le point où la résolution sera la plus forte. Ce point I, et en conséquence la zone de résolution maximale peuvent être déplacés facilement n'importe où sur le globe.

Les coordonnées d'un point M sur la sphère basculée sont alors fonction de ses coordonnées sur la sphère réelle et de celles du point I. La rotation conservant les distances, cette opération n'implique pas de complications particulières.

Dans ARPEGE, le pôle d'intérêt I a pour coordonnées 2.6 est, 46.5 nord ( point voisin de la frontière entre l'Allier et le Cher, près de la commune de Saint Amant-Mont-Rond ).

4.1.2.2 La transformation conforme

Ensuite pour obtenir une résolution variable, on effectue une transformation conforme de sphère à sphère, dite transformation de Schmidt. On associe à la sphère géographique réelle une sphère dite transformée ayant pour points fixes, le pôle d'intérêt I -aussi appelé pôle de dilatation- autour duquel on étire la surface; et son antipode. On augmente ainsi la résolution ( elle est maximale ) autour de I et on la réduit à l'antipode.

Cette transformation conforme est caractérisée par un coefficient réel c, dit coefficient d'étirement. Plus c est grand, plus la dilatation au voisinage du pôle d'étirement est importante.

Le facteur d'échelle m : rapport local des distances sur la sphère transformée aux distances sur la sphère réelle, est égal à c au pôle d'intérêt, à l'antipode il est minimal et vaut 1/c sur la sphère transformée.

Depuis octobre 1993, c = 3.5 dans ARPEGE .

Description générale de la transformation conforme

Cette transformation est la composée de 3 transformations simples, elle est caractérisée par son pôle d'intérêt I et par son facteur d'étirement c ( fonction de la position des plans P1 et P2 par rapport à la sphère ).

- M -> M1 projection stéréopolaire de la sphère sur le plan P1

- M1 -> M2 projection de P1 sur P2

- M2 -> M' projection stéréopolaire inverse de P2 sur la sphère.

Cette transformation, dans le repère de coordonnées sphériques lié à I s'écrit simplement

On constate que les points voisins du pôle d'intérêt s'espacent et à l'inverse ceux voisins de l'antipode se concentrent.

Remarques:

- Cette transformation de sphère à sphère est une transformation conforme c'est-à-dire qu'elle conserve les angles.

- on ne peut pas prendre un c trop grand sous peine de dégrader les champs.

- Cette idée d'un modèle à résolution variable n'est pas réellement nouvelle, puisque tous les modèles pour lesquels une partie de la sphère est représentée en projection stéréographique polaire ( PERIDOT entre autres autrefois ) ont une résolution variable. La nouveauté consiste dans le fait d'avoir une résolution variable sur la terre entière.

4.1.2.3 Influence de la résolution variable sur les équations

Lorsque le point M est transformé en M', il transporte avec lui ses valeurs de champs météorologiques.

Si en M la pression est p, p sera affectée à la latitude théta-acc sur la sphère transformée.

En fait tout se passe comme si on faisait le changement de variable de théta en théta-acc.
On effectue la transformation conforme des champs de variables utilisés dans les équations primitives. Ces champs sont représentés à l'aide des fonctions de base définies sur la sphère transformée. Comme les équations sont intégrées en points de grille sur la sphère réelle, des modifications interviennent alors dans l'expression et le calcul des composantes des vecteurs et donc des dérivées horizontales. Il y a en fait introduction du facteur d'échelle m en chaque point de grille. Essentiellement cela revient à multiplier certains termes par m ( qui dépend, on le rappelle, du point considéré ( de µ = sin théta ) et du coefficient de dilatation c de la transformation conforme ). On donne ainsi plus ou moins de poids à certains points.

Par définition

Sachant que la transformation conforme s'écrit simplement dans le repère lié au pôle d'intérêt

L'introduction de ce facteur d'échelle dans les équations permet une évaluation simple des dérivées spatiales.

Voici un exemple d'apparition du facteur d'échelle m.
Soit à calculer le gradient horizontal de pression en coordonnées sphériques.

4.1.2.4 Topographie résultante des champs

L'étirement entraîne une transformation des champs, en fait la valeur des champs résultant ne varie pas mais c'est leur topographie qui va être modifiée ( au voisinage du pôle d'intérêt les champs s'aplatissent ). En fait on travaille comme si on avait un modèle à maille régulière mais avec des champs déformés.

4.1.2.5 Cartes

Ci-joints :
En première approche, la grille d'ARPEGE vue sous l'angle du monde réel, par exemple un satellite ( 1 point sur 9 ) :
1 - la zone d'intérêt, le cercle qui passe par l'Afrique et le Groënland est l'équateur du modèle : autant de points à l'intérieur qu'à l'extérieur
2 - la zone autour de l'antipode.

En seconde approche, la façon dont ARPEGE voit le monde ( tous les points ) c'est-à-dire la sphère transformée:
1 - autour du pôle d'intérêt : le fond de carte est dilaté.
2 - à l'antipode : le fond de carte est contracté.

Suivent ensuite des cartes représentant la résolution du modèle ARPEGE, les troncatures équivalentes après le basculement/étirement ( c = 3.5, T119 ) sur différents domaines utilisés par les prévisionnistes.
Cette troncature varie entre 119 x 3.5 = 416 près du pôle I et 119 / 3.5 = 34 vers l'Australie à l'antipode.

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