Méthodes d’assimilation

 Les algorithmes pour l’assimilation de données et l’estimation des covariances d’erreur

L’assimilation de données relève d’un processus mathématique par lequel l’évolution d’un modèle numérique est contrainte à rester proche d’une réalité partiellement observée. Il s’agit dans le domaine de la météorologie, d’un ensemble de techniques visant à estimer l’état initial (appelée analyse) d’une prévision des modèles ARPEGE, ALADIN et AROME en utilisant des observations atmosphériques.

L’essentiel de l’activité du groupe GMAP porte sur le développement des algorithmes d’assimilation variationnelle, appelés 3D-Var et 4D-Var, ainsi qu’aux réglages de ses composants les plus importants, dont la matrice des covariances spatiales d’erreur de la prévision qui sert d’ébauche à l’analyse.

L’estimation de ces covariances spatiales s’appuie sur des méthodes d’assimilation d’ensemble, qui consistent à simuler les erreurs du système à l’aide de perturbations aléatoires, ainsi que leur évolution temporelle au cours des étapes successives d’analyse et de prévision. Ce type de techniques permet ainsi de simuler la dynamique spatio-temporelle des erreurs, qui dépend notamment de la situation météorologique ainsi que du réseau d’observation. Il devient possible de représenter par exemple les incertitudes relativement fortes associées aux phénomènes météorologiques intenses comme les tempêtes des moyennes latitudes et les cyclones tropicaux.

Des algorithmes de filtrage spatial des variances d’erreur (qui reflètent l’amplitude attendue des erreurs) ont été développés dans ce contexte (Raynaud et al 2009, Berre et Desroziers 2010). Ils visent à extraire le signal robuste fourni par un ensemble de petite taille (de l’ordre de 6 membres), en filtrant spatialement le bruit d’échantillonnage affectant les estimations.

L’assimilation des observations dans les modèles de prévision numérique s’appuie aussi sur une modélisation des corrélations spatiales des erreurs de prévision. Ces corrélations permettent en effet de donner une structure spatiale à des observations ponctuelles.
Une nouvelle modélisation de ces corrélations a donc été développée (Varella et al 2011), et elle est maintenant utilisée de façon opérationnelle, afin de prendre en compte leur dépendance à la situation météorologique. Cette approche repose d’une part sur une représentation en ondelettes (qui sont à mi-chemin entre les représentations "point de grille" et "spectrale") des variations géographiques des corrélations. Elle s’appuie d’autre part sur les 6 membres de l’assimilation d’ensemble, échantillonnés de façon glissante sur les 4 derniers jours courants. Cela permet en effet de disposer d’une centaine de prévisions perturbées, à partir desquelles on peut estimer des corrélations d’erreur de façon robuste.

La figure 1 montre les variations géographiques des portées horizontales des corrélations, estimées pour la période du 24 au 27 février 2010. On observe en particulier des portées plus courtes à proximité des zones dépressionnaires à l’Est des Etats-Unis ainsi que sur l’Atlantique Nord et l’Europe. Elles permettent de mieux décrire les structures de petite échelle qui sont observées dans ces zones.

Portées horizontales des corrélations d’erreur de prévision du vent vers 500 hPa (plages de couleurs, en km), moyennées sur la période du 24 février à 00h au 27 février 2010 à 18h, et superposées au champ de géopotentiel à 500 hPa (isolignes, en dam) du 26/02/2010 à 00h. La portée d’une fonction locale de corrélation est une mesure de son extension spatiale.

Dans le contexte de la mise en place d’un nouveau calculateur, il est prévu d’augmenter la taille de l’ensemble global. Cela permettra de mieux représenter la variabilité des structures d’erreur d’une journée à l’autre, ainsi que de mieux initialiser la prévision d’ensemble à l’échelle globale. Il est également prévu de mettre en place une prévision d’ensemble à l’échelle convective, qui pourrait s’appuyer là aussi sur une assimilation d’ensemble, en utilisant le modèle AROME.

Dans le cadre du programme HyMeX d’étude des épisodes fortement précipitant en Méditerranée, une expérience a été menée afin de constituer un jeu de données où la taille de l’ensemble soit d’un ordre de grandeur supérieur à ce qui se fait en opérationnel et où l’on inclut également une assimilation d’ensemble et une prévision d’ensemble à échelle convective, avec les modèles AROME et AROME-WMED.

Ce « grand ensemble » est utilisé à la fois pour décrire les aspects dépendant de l’écoulement de la matrice de covariance des erreurs d’ébauche à échelle convective, ainsi que comme référence pour comparer objectivement différentes techniques de filtrage du bruit d’échantillonnage (Ménétrier et. al, 2013). Ces méthodes pourraient être mises en place sur des ensembles de plus petite taille viables en terme de coût opérationnel, ou encore pour estimer des longueurs de localisation objectives.

Le travail a commencé sur le filtrage spatial des champs de variance d’erreur d’ébauche en adaptant au cadre « domaine limité » et non-Gaussien des stratégies initialement développées pour le modèle global ARPEGE. Pour représenter les corrélations, un nouveau modèle se basant sur des déformations spatiales a été proposé (Michel 2012). Il présente un certain nombre d’avantages numériques et scientifiques, notamment le fait de conserver les variances.

La figure représente la carte des écarts-types d’erreur d’ébauche pour la variable humidité au niveau modèle 50 (environ 950 hPa), pour l’ensemble de référence (à gauche) et un ensemble de très petite taille (6 membres, au milieu) pour lequel il existe un fort bruit d’échantillonnage. La carte de référence permet d’évaluer objectivement une technique de filtrage spatial telle que proposée sur la figure de droite.

La validation des estimations de covariance est également un thème de recherche important. Elle s’appuie notamment sur des diagnostics basés sur les écarts aux observations (Desroziers et al, 2009). Ces écarts donnent une information indépendante sur les erreurs de prévision, sous réserve de pouvoir filtrer la contribution des erreurs d’observation.

Plusieurs applications améliorant la prévision numérique du temps ont ainsi été développées. Ces activités de recherche et de développement bénéficient du soutien financier de l’INSU/LEFE (CNRS) ainsi que de l’ANR.

 Références

  • Berre, L. and G. Desroziers, 2010 : Filtering of Background Error Variances and Correlations by Local Spatial Averaging : A Review. Mon. Wea. Rev., 138, 3693–3720.
  • Desroziers, G., L. Berre, V. Chabot and B. Chapnik, 2009 : A Posteriori Diagnostics in an Ensemble of Perturbed Analyses. Mon. Wea. Rev., 137, 3420–3436.
  • Ménétrier, B., T. Montmerle, L. Berre and Y. Michel, 2014 : Estimation and diagnosis of heterogeneous flowdependent background error covariances at convective scale using either large or small ensembles. Q.J.R. Meteorol. Soc., 140, 2050–2061.
  • Michel, Y., 2012 : Estimating deformations of random processes for correlation modelling in a limited area model . Q.J.R. Meteorol. Soc., 139, 534–547.
  • Raynaud, L., L. Berre and G. Desroziers, 2009 : Objective filtering of ensemble-based background-error variances. Q.J.R. Meteorol. Soc., 135, 1177–1199.
  • Varella, H., L. Berre and G. Desroziers, 2011 : Diagnostic and impact studies of a wavelet formulation of background-error correlations in a global model. Q.J.R. Meteorol. Soc., 137, 1369–1379.