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Questions sur les mécanismes des tempêtes METEO-FRANCE

7   Rail des dépressions, zone barocline, front polaire: qu'est-ce qui décrit le mieux les tempêtes ?



  Figure 8 :L'idée qui, dans le cadre du concept de front polaire, préfigure la notion de rail des dépressions dans sa configuration ouest-est: les familles de dépressions. La configuration bloquée (fig. 3) n'a, en revanche, pas de place dans ce cadre. Figure extraite de la version française de Bjerknes et Solberg, 1922.  

  Au début du 20e siècle, des météorologistes norvégiens ont proposé une vision nouvelle et cohérente de l'évolution de l'atmosphère aux latitudes tempérées. Cette vision reposait sur un concept: le front polaire. Le front polaire est une limite extrême, une sorte de surface séparant l'air polaire d'un côté et l'air tropical de l'autre. Selon ses créateurs, cette limite pré-existe et se maintient en permanence, faisant plus ou moins le tour de la Terre. Instable, le front polaire ondule: une dépression naît et s'amplifie, suivie d'une autre. Après quelques tempêtes du même type, une période plus calme s'installe puis le cycle reprend: les Norvégiens ont ainsi introduit la notion de famille de dépression, ancêtre de la vision actuelle de configuration zonale du rail (fig. 8).

Cette idée formidable était ce qu'on pouvait faire de mieux à partir des observations disponibles à l'époque. Comme toute idée en physique, la notion de front polaire est appelée à être remplacée par une autre, plus proche des données obtenues depuis, plus juste sur le plan théorique, mais quand même inspirée par les idées initiales.

Les limites du concept de front polaire sont bien connues. En voici quelques-unes:
  • un fait d'expérience simple tout d'abord: on n'observe tout simplement pas de limite aussi extrême très étendue et quasi-permanente; les limites intenses existent mais sont limitées dans l'espace et le temps;
  • le front polaire explique la présence de ces limites, de ces fronts donc, au sein des dépressions d'une manière simple: les fronts étaient là avant la dépression. Reste alors à expliquer l'origine et le maintien du front polaire lui-même: selon les norvégiens, c'est la circulation générale, les «centres d'actions» révélés par les cartes moyennes, qui le crée. Il est facile, aujourd'hui, d'extraire la composante «lente» de l'évolution atmosphérique et de calculer sa capacité à faire un front de grande étendue: on constate que, sur l'essentiel de l'Atlantique, cette circulation «défait» les contrastes, c'est à dire le contraire de ce qu'il faut pour vérifier l'idée norvégienne;
  • autre fait, des dépressions se forment sans qu'il existe au préalable, de front;
  • le passage d'un concept descriptif à une théorie physique, c'est à dire la vérification par le calcul que l'instabilité du front polaire donne des dépressions telles qu'on les connaît, n'a pas été possible (il n'y a pas de théorie du front polaire);
  • le front polaire rend plutôt bien compte des périodes de configuration ouest-est du moderne rail des dépressions (fig. 4). Mais il peine à rendre compte de la configuration bloquée et échoue avec l'irrégularité des durées et des transitions d'une configuration à l'autre.
Il reste qu'on observe des fronts, en effet (voir point 10). Les fronts résultent de la formation des dépressions et sont des structures très transitoires, rarement très étendues (au sens d'une définition stricte, bien sûr). Le mécanisme de formation de ces fronts, subtil, a été identifié vers 1970.

La suite de cette page est un peu plus technique.

Après le front polaire est venue la notion de «zone barocline» : plutôt que ce terme de jargon, on a choisi ici de parler de courant-jet (voir schéma 
7 pour une définition graphique d'une zone barocline). Une zone barocline est une zone de variation thermique continue et modérée nécessairement associée à un courant-jet en altitude. Cette notion de zone barocline demeure un pilier de notre compréhension des dépressions.

L'association zone barocline/courant-jet/dépressions fonctionne très bien pour décrire un cas unique de dépression, par exemple. Toutefois, comme on l'a vu sur les figures 
3 et 4, dès qu'on passe à une échelle de temps couvrant plusieurs cas, il est utile de distinguer le courant-jet moyen (ou zone barocline principale) et la trajectoire d'un ensemble de dépressions, qui coupe le courant-jet de diverses manières. Ainsi naît la notion de rail, qui généralise celle de zone barocline à de plus grandes échelles de temps (une à plusieurs semaines).

On pourrait dire que la notion de zone barocline est utile pour décrire une dépression comme un effet de la présence du courant-jet, un seul sens de l'interaction (approche utilisée dans ces pages, d'ailleurs). La notion de rail s'efforce de prendre en compte l'ensemble de l'interaction, donc l'effet des dépressions sur la zone barocline.

L'idée de rail des dépressions est fondée sur la notion de variabilité atmosphérique et couvre avec un seul concept tous les types de temps possibles en Europe. Elle doit pour cela être préférée à celles basées sur des idées statiques et incompatibles entre elles du type anticyclone des Açores ou front polaire.
 


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Version du 13 mars 2000

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