5.4.3 Les ondes de gravité orographiques

Quelques généralités :

Il s'agit ici de traiter le mécanisme physique par lequel un obstacle perturbe le courant atmosphérique moyen c'est-à-dire la génération d'ondes de gravité. Il y a alors transfert d'énergie du courant vers ces ondes, la plus grande partie de cette énergie étant ensuite dissipée. Le résultat global de ce phénomène est en fait, un amortissement du flux par frottement.
On traite ainsi les effets sur le flux, du relief non résolu ( pris en compte ) par le modèle, effets non déjà inclus dans le frottement. Ces ondes de gravité peuvent être excitées quand un flux verticalement stable s'écoule au-dessus d'un terrain accidenté. Sous certaines conditions particulières, ces ondes peuvent se propager verticalement vers le haut à des hauteurs considérables dans l'atmosphère avant d'être dissipées ou absorbées au voisinage d'un niveau critique.
Il a été démontré que la génération de tels systèmes d'ondes avait un impact significatif sur la circulation atmosphérique à l'échelle synoptique et aux échelles plus grandes ( Lilly 1972 ). Bien que les ondes orographiques puissent produire des effets significatifs à des échelles de quelques centaines de kilomètres, les ondes les plus importantes à cet égard, ont des longueurs d'onde de seulement quelques dizaines de kilomètres. En conséquence ces dernières, trop petites pour être résolues dans les modèles de circulation générale, doivent avoir leurs effets paramétrés.
Il faut aussi noter qu'il s'agit de la première paramétrisation "à distance" c'est-à-dire que l'effet se produit loin de la cause.
Le modèle utilise une représentation hautement simplifiée des effets générés orographiquement par la propagation verticale de ces ondes de gravité. Les hétérogénéités du relief induisent un flux de quantité de mouvement ( ou tension vecteur théta ) qui se propage verticalement, et qui se dépose là où les ondes déferlent, soit au voisinage d'un niveau critique. Un modèle linéaire très simplifié est également utilisé pour estimer la localisation des régions concernées par ces ondes dans l'atmosphère.

De façon analogue aux schémas précédents, cette paramétrisation est basée sur le fait que la tendance du vent est proportionnelle à la divergence du flux de quantité de mouvement soit :

5.4.3.1 Principe de la paramétrisation

Calcul en surface :

Le flux de quantité de mouvement ( ou tension au sol ) dû à une onde excitée par le déplacement d'un courant de grande échelle, stable verticalement sur un relief de petite échelle est donné par :

N0 la fréquence de Brunt-Vaïsala effective en surface.
N la fréquence de Brunt-Vaïsala caractérise la stabilité verticale de l'atmosphère:

h0 l'écart type du relief non résolu. Il s'agit de l'écart entre le relief connu par le modèle en points de grille et le relief réel ( pas vraiment réel mais connu à partir des données de l'US Navy ).

Kg un coefficient sans dimension de réglage de la paramétrisation, Kg = 3.5 10-3

calcul à un niveau donné :

Au-dessus du sol, le flux de quantité de mouvement d'une onde d'amplitude a est donné par

Propagation verticale de l'onde :

Dans une atmosphère stable, en l'absence de niveaux critiques et tant que l'onde reste linéaire ( amplitude faible devant la longueur d'onde ), il n'y a pas d'interaction entre l'écoulement de grande échelle et l'onde ( pas de déferlement ou saturation ) théta reste constant sur la verticale, on demeure loin du niveau critique.
Mais rho décroit avec l'altitude donc l'amplitude de l'onde croit ( pour garder théta constant ), l'onde n'est plus linéaire et déferle lorsque son amplitude devient de l'ordre de grandeur de la longueur d'onde. Lorsque ceci se produit, le critère adopté est de saturer théta à la valeur pour laquelle la longueur d'onde égale l'amplitude.

En admettant

5.4.3.2 Discrétisation verticale

La discrétisation sur les niveaux du modèle se fait en partant du niveau inférieur et en remontant vers le sommet .

5.4.3.3 Raffinements

On prend maintenant en compte dans ARPEGE :

- la vapeur d'eau présente dans l'atmosphère lors du calcul de la fréquence de Brunt-Vaïsala suivant que l'on est en atmosphère non saturée ou adiabatique saturée.
- L'anisotropie du relief ( en fait l'orientation du relief par rapport à la direction du flux ).
La théorie à la base de cette paramétrisation fait l'hypothèse que l'écoulement est bidimensionnel. En fait le relief d'échelle inférieure à la maille peut être représenté par un coefficient, le coefficient d'anisotropie et par un angle. La tension en surface n'est pas colinéaire au vent de surface. On calcule un vent fictif en surface qui donnerait dans le cas isotrope le même flux que celui obtenu avec le vent effectif de surface.
- La résonance
Cette théorie prône que l'onde ne dépose pas toute sa quantité de mouvement au niveau de saturation mais est réfléchie vers le bas et peut, après un certain nombre de réflexions produire une résonance.




QUELQUES GENERALITES SUR LES SCHEMAS DE PLUIE

On utilise dans ARPEGE deux schémas de précipitations :
- Un schéma dit " de grande échelle " traitant les condensation/évaporation à l'échelle de la maille du modèle;
- Un schéma additionnel dit " de convection " prenant en compte les processus convectifs d'échelle inférieure à celle de la maille du modèle. Ce schéma additionnel est nécessaire : la taille des amas convectifs est en général inférieure à la distance entre deux points voisins, et se contenter de la dynamique du modèle pour estimer les processus convectifs conduirait à les sous-estimer.

5.4.4 La convection profonde

Quelques généralités

On appelle convection profonde, la convection mettant en jeu des nuages suffisamment épais pour qu'ils soient précipitants. Cette convection est d'une grande importance :
- elle accélère la circulation de Hadley,
- elle représente plus de 90 % des précipitations globales prévues,
- a des incidences sur le champ de vents, etc ...

La convection se déclenche s'il existe des couches instables et s'il y a un apport de vapeur d'eau, dû à de l'évaporation ou à de la convergence. Dans ce cas, l'effet de la convection est une homogénéisation verticale de la température potentielle et de la quantité de mouvement .

Les effets de la convection ne sont pas directement pris en compte par la dynamique, en effet la maille du modèle étant nettement ( * ) plus grande que l'échelle caractéristique des cellules convectives, il est impossible de déterminer ce qui se passe dans chaque nuage, on élabore donc une paramétrisation de la convection profonde en considérant que les mouvements ascendants au sein de l'atmosphère convective sont compensés par de la subsidence de faible intensité ( car répartie sur tout le domaine ). On fait comme s'il ne pouvait se développer qu'un seul nuage convectif "moyen" par point de grille.



En conséquence, le but de ce module de paramétrisation est:
- d'estimer, de la façon la plus réaliste possible, la convection pouvant se développer eu égard aux conditions de grande échelle. Cette estimation faite,
- de déduire l'incidence sur l'atmosphère : vent, température, humidité, précipitations...

* sauf dans la zone d'intérêt du modèle ARPEGE où la résolution équivalente est de l'ordre de 30 kilomètres ( voir 5.4.4.7.1 Problèmes dus à la résolution variable ).

5.4.4.1 Le schéma, ses principes

Le schéma utilisé dans ARPEGE est dû à P. Bougeault ( 1985 ) ; quelques améliorations y ont toutefois été apportées.

On va chercher à évaluer la source de chaleur Q et le déficit d'humidité Q' résultant des effets de la convection et des transports turbulents à l'extérieur de la zone convective.

Les idées directrices de cette paramétrisation sont les suivantes:

- Lorsqu'il y a convection, les valeurs de s et q à grande échelle sont modifiées par le mélange d'air nuageux avec l'environnement ( processus de détrainement ). Une façon simple de paramétrer ce "détrainement" est d'effectuer une relaxation avec un temps caractéristique K¯¹ indépendant de l'altitude, des variables de grande échelle s et q vers les variables sn et qn d'un profil nuageux ( adiabatique saturée ).

- Comme il est difficile de séparer les effets de la convection et de la turbulence, les flux turbulents Fs et Fq sont pris en compte pour le calcul de Q et Q' dans les zones convectives seulement, la prise en compte traditionnelle ( diffusion verticale ) étant conservée dans les zones non convectives.

L'évaluation des termes Q et Q' pour la convection et la diffusion est faite de la façon suivante :

5.4.4.2 Equations de grande échelle

Les équations d'évolution des variables de grande échelle s et q s'écrivent :


On cherche à fournir les expressions de Qcv et Q'cv.

Les hypothèses ci-après ( idées directrices énoncées précédemment ):

- H1
.l'ensemble des phénomènes convectifs, dont une grande partie est d'échelle inférieure à la résolution du modèle, est assimilable à une ascendance nuageuse unique de vitesse verticale oméga* .
- H2
.lorsque la convection profonde est active, les variables de grande échelle sont modifiées par mélange d'air environnemental et nuageux via le processus de détrainement. Ce processus peut être représenté par une relaxation des variables s et q de grande échelle vers celles nuageuses sn et qn, avec un temps caractéristique indépendant de l'altitude.
- H3
.les schémas de diffusion verticale actuels ne sont pas à même de fournir des flux corrects lorsqu'ils sont en présence de convection profonde. On incorporera donc les effets de la redistribution turbulente de chaleur et d'humidité dans la paramétrisation convective elle-même. Au lieu d'annuler les autres paramétrisations de turbulence on soustraira alors leurs valeurs à celles fournies par la convection.

amènent à postuler la forme suivante pour Qcv et Q'cv :


( A ) : tendance due à la subsidence extra-nuageuse induite par la circulation convective.
( B ) : relaxation des variables de grande échelle vers celles des nuages ( H2 ).
( C ) : effets de la turbulence.

5.4.4.3 Détermination du profil nuageux ( sn,qn )

L'ascendance nuageuse est définie comme la pseudo-adiabatique issue du point bleu Tw d'un niveau, entraînant de l'air environnemental.

1- Calcul du point "bleu" Tw,

2- Construction de la pseudo-adiabatique saturée jusqu'au niveau suivant en considérant l'entraînement de l'air environnemental. Cette prise en compte se fait grâce à une relaxation des variables nuageuses vers celles environnementales à un taux lambda ( en J/Kg ) soit


La relaxation est un rappel : on ramène le profil nuageux vers celui de son environnement.
L'omission de cet entrainement d'air environnemental surestimerait l'altitude du sommet des nuages.

3- Sustentation d'eau liquide dans le nuage : afin de prendre en compte la réduction de flottabilité nuageuse due à la présence d'eau liquide, on diagnostique une quantité eau spécifique ln par l'équation :

ce qui permet de limiter la fraction d'eau liquide sustendue, quittant le nuage sous forme de précipitation, dans le cas de nuages de faible épaisseur géopotentielle. Grand phi0 correspond à l'épaisseur géopotentielle critique des nuages précipitants, Grand phi0=10000 J/Kg sensiblement é gal à 1000 m.

4- Test d'activité convective du niveau. Les niveaux sont déclarés convectifs si et seulement la flottabilité nuageuse ( Tn - Tenv ) et l'humidité totale disponible y sont positives.

5- Comparaison de la température du nuage à celle de l'environnement; si elle est inférieure à celle de l'environnement on prend le point bleu du niveau pour continuer l'ascendance, sinon on continue avec les propriétés du nuage.

5.4.4.4 Détermination du flux de masse convective omega*

C'est dans l'expression de omega* que doit être condensée l'information disponible sur la situation :
- l'information de grande échelle comme l'humidité disponible
- l'information de petite échelle comme la structure verticale de l'instabilité.

On pose sur la base d'arguments dimensionnels que omega* a la forme suivante:


hn énergie humide dans le nuage, est constante sur la verticale,
h est le profil de grande échelle connu aux points de grille,
hn - h traduit donc l'écart entre le nuage et son environnement.

alpha est calculé en utilisant l'hypothèse de Kuo: toute l'humidité disponible se répartit en précipitations et humidification de l'environnement ( il n'y a pas de d'accumulation d'eau dans le nuage ) soit

5.4.4.5 Détermination deK

Ce coefficient quantifie le taux de mélange entre le nuage et son environnement.

Cette détermination est effectuée en assurant la conservation intégrale de l'énergie statique humide dans une colonne verticale convective, en effet la convection met en jeu des réorganisations de masse et de pertes d'eau condensée dans une colonne atmosphérique.

L'intégrale de la grandeur h = cpT + gz + Lq de la colonne convective doit être conservative soit:


Résumé des opérations :
- à tous les niveaux du modèle, définition des caractéristiques nuageuses compte-tenu de l'entraînement d'air environnemental et de la présence d'eau liquide
- calcul du flux de masse dans les nuages
- calcul pour T et q des tendances dues à la pseudo-advection ( subsidence )
- calcul de K
- calcul des flux convectifs ( précipitations, turbulents ).

5.4.4.6 calcul des précipitations

Les précipitations sont calculées à partir du flux de précipitations au sol ( qui correspond à l'assèchement atmosphérique ) par

On a introduit une distinction entre les phases liquide et solide des précipitations. On utilise une approche "cible" ( par opposition aux précipitations de grande échelle où la distinction se fait en fonction de l'origine ) : la proportion entre les deux flux dépend seulement de la température de l'interface entre niveaux ( ou du sol ) où elle est calculée.

5.4.4.7 La convergence d'humidité, problèmes dus à la résolution variable

Le 1er terme est fourni par la dynamique du modèle, le second par le schéma de diffusion verticale.


On s'est aperçu que le modèle ARPEGE produisait trop de précipitations convectives dans sa zone de forte résolution.
La raison est que lorsque la résolution augmente, la dynamique commence à traiter les phénomènes de petite échelle et en particulier la convection. Donc, en quelque sorte, les précipitations de nature convective sont comptabilisées deux fois.

Une solution qui tient compte de la résolution locale du modèle est à l'étude, mais pour l'instant dans le modèle opérationnel, on a choisi de diminuer ces précipitations en réduisant la convergence d'humidité ( c'est-à dire l'eau disponible ).

Prenant en compte le fait que les schémas convectifs fournissent la seule part des précipitations correspondant aux ascendances non résolues par la dynamique du modèle, les effets convectifs doivent décroitre de la valeur maximale de leur estimation sur une verticale, lorsqu'utilisés sur une maille dynamique lâche jusqu'à une valeur nulle, lorsqu'utilisés sur une maille dynamique dense.


avec Tle troncature spectrale locale équivalente du modèle ( fonction du facteur d'échelle ) et Tc troncature critique, Tc correspond à la troncature au-delà de laquelle une part des phénomènes convectifs devient soluble par la dynamique.
Actuellement dans ARPEGE, Tc = 240, ce qui signifie qu'on enlève environ 2/3 de la convergence d'humidité sur la France et seulement 12% à l'antipode.

Remarque :

La convection agit également sur les composantes u et v du vent horizontal, on utilise une formulation analogue à celle pour s et q.
L'effet de la convection sur le vent horizontal est, nous le rappelons, une homogénéisation de la quantité de mouvement. Globalement, sur l'ensemble de la terre la convection augmente le frottement de l'atmosphère sur le sol.
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